L'Histoire de Tobie par le peintre Pierre Parrocel

Le Château Borély, édifié à partir de 1767
Le Château Borély, édifié à partir de 1767

(Photo Ange Lorente / Ville de Marseille)

Une galerie pour un château

La famille Borély, commerçants et mécènes

Louis Borely (1692-1768) et son fils Louis Joseph Borely (1731-1784), issus d’une riche famille de commerçants marseillais anoblie sous Louis XV, font élever à partir de 1767 dans la campagne au sud de la ville une des plus belles demeures édifiées en Provence au XVIIIe siècle. Ces amateurs d’art particulièrement éclairés s’étaient d’abord adressés à l’une des personnalités les plus novatrices de l’architecture néoclassique en France, Charles-Louis Clérisseau (1721 -1820 ), puis à Antoine François Peyre, (1739- 1823). Tous deux avaient été lauréats du Grand Prix de l’académie Royale et revenaient de Rome porteurs de la nouvelle esthétique architecturale prenant pour modèle l’Antiquité. L’exécution du chantier fut finalement confié à un architecte marseillais bien établi, Joseph Esprit Brun, qui avait construit rue Vacon, l’hôtel d’un autre membre de la famille, Nicolas Borely.

Vue de la Galerie du rez-de-chaussée du Château Borély, avec le cycle de Tobie
Vue de la Galerie du rez-de-chaussée du Château Borély, avec le cycle de Tobie

(Source : Marseille sa parure d'art et de souvenirs de Raoul Bousquet et Emile Isnard, Marseille, édition municipale, 1952)

Le cycle de l’Histoire de Tobie, une commande du duc de Noailles dans la première moitié du XVIIIe siècle

La bastide aux décors somptueux abritait la collection de ces véritables mécènes liés à l’Académie de peinture de Marseille. Ils financèrent le séjour romain de l’un des élèves de cette récente institution marseillaise, Louis Chaix (1744-1811) qui se vit confier à son retour les décors peints du château. C’est Louis-Joseph-Denis Borély qui en 1770, acheta au duc Louis de Noailles, le cycle de l’Histoire de Tobie de Pierre Parrocel. Il avait été peint entre 1733 et 1738 à la demande de son père, Adrien-Maurice de Noailles pour la galerie de l'hôtel familial à Saint-Germain-en-Laye.

Acquis par la famille Borély, la célébration d’un nouvel idéal néo-classique

L’ensemble avait déjà plus de trente ans lorsque Louis-Denis Borély en fit l'acquisition pour orner la galerie du rez-de-chaussée de son château dont le décor intérieur célébrait clairement le nouvel idéal néo-classique. Témoin déjà daté de la création artistique de la génération précédente, la galerie fut cependant célébrée par les guides marseillais de l’époque. Elle constituait par sa qualité et sa cohérence le plus remarquable ensemble de peinture moderne visible à Marseille. Par ailleurs, sa prestigieuse origine, les Noailles, proches de Louis XV et l’une des plus anciennes familles de l’aristocratie française, n’avait pu laisser indifférents ces anoblis de fraîche date qu’étaient les Borély.

Pêche du poisson, n° d'inv BA 417
Pêche du poisson, n° d'inv BA 417

Pierre Parrocel, au sein d’une dynastie de peintres

Le cycle comprend quatorze toiles et deux dessus de portes, La Foi Judaïque et La Charité.

Son auteur, Pierre Parrocel (1670–1739), fait partie de cette célèbre et nombreuse dynastie de peintres, les Parrocel, originaires d’Avignon et qui furent au XVIIeet XVIIIesiècles particulièrement actifs entre la Provence, Paris et l’Italie.
Formé dans la capitale et à Rome, Pierre fera l’essentiel de sa carrière à Avignon. Agrééà l’Académie royale en 1730, il a pu bénéficier, dans les milieux parisiens, de la réputation de son oncle Joseph et de son cousin Charles ( 1688-1752) tous deux peintres de bataille, le premier au service de Louis XIV, le second de Louis XV.

Le Livre de Tobie

Le cycle illustre un des écrits de l’Ancien Testament, le Livre de Tobie. Le texte rapporte les épreuves que subissent le vieux Tobie et son fils Tobie, de la tribu de Nephthalie, déportés avec les Hébreux en Assyrie, après la conquête du royaume d’Israël par Salmanasar V, roi d’Assur et de Babylone au VIIIe siècle avant J.-C. Fidèles à leur foi, ils surmonteront les malheurs qui les accablent.
Sur le chemin d’Ebactane, où demeure Raguel, un ami de son père, le jeune Tobie rencontre un inconnu qui se révélera être l'archange Raphaël. Celui-ci lui fait pêcher un poisson aux vertus miraculeuses dont le fiel sauvera du démon qui la persécute, Sara, la fille de Raguel, que Tobie épousera et qui lui permettra à son retour au domicile paternel, de rendre la vue au Vieux Tobie, devenu aveugle.

1869, l’échange Talabot et l’entrée au musée des beaux-arts

Dans le cadre de l’échange signé en 1869 entre la Ville de Marseille et l'industriel Paulin Talabot, qui avait acquis le domaine des Borély avec le château et les œuvres qu’il abritait, les peintures de Pierre Parrocel rejoignent le musée des Beaux-Arts avec l’ensemble de collection que les Borély avaient réunie.

Date de modification : 26 novembre 2025

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