Les oiseaux de la Salle de Provence
Un patrimoine ancien et précieux
Dès la conception du Palais Longchamp, Christophe-Jérôme Barthélémy Lapommeraye, le deuxième directeur du Muséum d’histoire naturelle, avait désiré l’aménagement d’une salle dédiée à valoriser la richesse de la biodiversité provençale. Encore aujourd’hui cette salle y reste consacrée, la scénographie et le mobilier d’époque ont été conservés, évoquant la muséographie du XIXème siècle où les spécimens sont rangés par classification taxonomique.
Les oiseaux y sont à l’honneur : ils occupent en effet tout un pan de mur. Seize vitrines regroupent pas moins de 376 spécimens, illustrant l’avifaune régionale. On y trouve aussi bien de grands rapaces rarement observés, comme l’Aigle de Bonelli (Aquila fasciata), que des espèces plus communes, comme le Goéland leucophée (Larus michahellis), le célèbre « gabian » bien connu des Marseillais.
Une collection très ancienne
La collection d’ornithologie provençale du Muséum est le fruit d’une longue histoire de dons, avec les plus anciens qui remontent aux débuts de l’institution au XIXème. Un grand nombre des spécimens encore exposés sont issus de ces dons historiques.
Parmi les contributeurs les plus marquants, on trouve Jean-Baptiste Jaubert (1826-1884), professeur de médecine et ornithologue amateur, ami et élève de Barthélémy Lapommeraye. Tous deux partageaient une passion pour les oiseaux. En 1858, Dr. Jaubert fait don de sa vaste et célèbre collection personnelle, qui vient enrichir la collection générale d’ornithologie déjà existante. Cette même collection servira de base à son ouvrage majeur : Richesses ornithologiques du Midi de la France (1859), une référence en son temps.
De nombreux autres dons viendront étoffer la collection tout au long des XIXème et Xème siècles, notamment en 1919 avec une généreuse donation de plus de 400 oiseaux par M. Ernest Naegeli, ou encore, à la même époque, les naturalisations du Dr. Pierre Siépi, taxidermiste et directeur du Jardin zoologique.
Des témoins du déclin de la biodiversité
Au-delà de leur valeur esthétique et patrimoniale, ces oiseaux témoignent d’une biodiversité aujourd’hui menacée. Certaines espèces exposées ont disparu de Provence, voire de France.
Le courlis à bec grêle (Numenius tenuirostris), un oiseau migrateur transcontinental hivernant sur le pourtour méditerranéen, était supposé disparu depuis 1995, date de sa dernière observation par les scientifiques. Une étude ornithologique récente a depuis confirmé son extinction au regard des critères de la Liste Rouge des espèces sauvages menacée de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN ; Buchanan et al. 2024). Le spécimen conservé au Muséum est donc l’un des derniers témoins de l’existence révolue de cette espèce à l’état naturel.
Plus récemment c’est le cas de la Pie-grièche à poitrine rose (Lanius minor), autrefois décrite comme « commune en Provence » dans l’ouvrage de Jaubert, mais dont le dernier couple nicheur français a été observé en 2019.
Rédacteur : L. GRIMA, chargé des collections de zoologie du Muséum.
Référence bibliographique : Buchanan, G.M., et al. 2024. Global extinction of Slender‐billed Curlew (Numenius tenuirostris). Ibis, 167, 357–370.